Chef-d’oeuvre grandiloquent et monumental (six mètres sur dix) du peintre officiel de Napoléon Jacques-Louis David, le Sacre de Napoléon, exposé au Louvre, est à la fois un superbe témoignage historique, et une totale fiction. Un paradoxe qui permet à ce tableau de nous raconter un nombre infini d’histoires, de la petite anecdote aux grands moments de l’histoire de France. Voyage dans un tableau hors du commun.
Une outil de propagande
Le sacre de Napoléon, de son nom complet Le Sacre de l’Empereur Napoléon 1er et le couronnement de l’Impératrice Joséphine , est avant tout un outil de propagande, commandé par Napoléon pour assoir son pouvoir, et la nouvelle dynastie qu’il incarne. Si le sacre eut lieu le 2 décembre 1804 dans la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, le tableau ne fut réalisé qu’entre… 1806 et 1808. Ce qui permit au peintre, qui avait assisté à la cérémonie, d’approfondir ses idées, en multipliant notamment les détails, et de revoir sa copie. Car il est à noter que, bien que premier peintre de l’Empereur, David jouissait d’une grande liberté.
À l’origine, David avait représenté Napoléon se posant lui-même la couronne sur la tête. En modifiant son sujet, un vide apparut entre l’arrière de la tête de l’Empereur et le Pape. David y plaça une tête de Jules César, inspiré d’un buste des collections du Louvre.
On voit également le pape Pie VII bénir la scène, alors qu’il s’est en réalité limité à prier. Par cette représentation officielle, Napoléon s’accordait le soutien de l’Eglise. Sans lui laisser vraiment le choix…
La cathédrale Notre-Dame-de-Paris, qui n’avait jusque-là jamais servi aux couronnements, fussent-ils royaux, fut choisie par Napoléon en personne comme lieu du sacre. Mais le monument avait subi de nombreux dommages pendant la Révolution française. Pour cacher la misère, et atténuer le caractère froid du monument religieux, l’intérieur fut recouvert de soie, de velours et de draps aux armoiries de l’Empire brodées en or. Une réalité que ne dévoile pas vraiment le tableau. La Révolution était, dans l’esprit du pouvoir, bel et bien finie…
Joséphine, alors âgée de 42 ans, a été coiffée et maquillée de façon à paraître plus jeune. Ce n’est pas la première fois que Napoléon tente de faire oublier leur différence d’âge (Joséphine, née en 1763, avait 6 ans de plus que Napoléon, né en 1769). Pour leur mariage (1796), déjà, les années de naissance avaient été modifiées sur l’acte pour qu’ils aient – officiellement – le même âge.
Les absents… présents
Letizia Bonaparte, mère de l’Empereur, avait refusé d’assister à la cérémonie après une dispute familiale (il se dit aussi qu”elle n’appréciait pas Joséphine). Elle est pourtant bien présente sur le tableau, et trône même en son milieu.
L’ambassadeur d’Istanbul est représenté alors que, musulman, il n’avait pas eu le droit d’entrer dans la cathédrale. Une présence qui rappelle l’attachement qu’avait Napoléon pour la religion musulmane, développé notamment lors de la campagne égyptienne (1798). « J’aime mieux la religion de Mahomet, elle est moins ridicule que la nôtre », aurait dit Napoléon à la fin de sa vie.
“Ce n’est pas de la peinture, on marche dans ce tableau”, se serait exclamé l’Empereur lors d’une visite chez le peintre. Entre allégories, propagande et anecdotes, c’est en en effet une extraordinaire balade dans l’histoire de France que ce tableau nous propose !
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